Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/222

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s’appelait Efim Tarassitch Schevelev ; l’autre, qui n’était pas riche, s’appelait Elisée Bodrov.

Efim était un paysan rangé. Il ne buvait pas d’eau-de-vie, ne fumait pas, ne prisait pas, et il ne jurait jamais. C’était un homme grave et austère. Il avait été déjà deux fois staroste et avait quitté cette fonction sans avoir encouru d’amendes. Il avait une nombreuse famille : deux fils et un petit-fils mariés, et tous demeuraient ensemble. C’était un paysan barbu, vigoureux, droit, et il avait soixante-dix ans, que sa barbe commençait à peine à blanchir.

Elisée était un petit vieillard, ni riche, ni pauvre. Jadis il travaillait comme charpentier ; devenu vieux, il restait chez lui, il élevait des abeilles. Un de ses fils travaillait au dehors, l’autre à la maison. C’était un bonhomme jovial ; il buvait de l’eau-devie, prisait, aimait à chanter des chansons ; mais il était débonnaire, il vivait en bons termes avec ses parents et ses voisins. C’était un petit paysan, au teint bistré, avec une petite barbiche frisée, et comme son patron, le prophète Elisée, il avait la tête toute chauve.

Depuis longtemps les deux vieillards avaient fait le vœu de pèlerinage et s’étaient entendus pour partir ensemble. Mais Tarassitch remettait toujours : ses affaires le retenaient ; aussitôt l’une terminée, l’autre s’engageait. Tantôt c’était le petit-fils qu’il fallait marier ; tantôt c’était le fils cadet