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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/460

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L’archevêque gagna la poupe et s’y assit, l’œil fixé sur l’îlot. On voyait encore les vieillards ; puis ils disparurent et on ne vit plus que l’îlot. Bientôt l’îlot lui-même disparut ; on ne voyait plus que la mer qui brillait en se jouant sous les rayons de la lune.

Les pèlerins se couchèrent. Le pont devint silencieux. Mais l’archevêque ne voulait pas encore dormir. Resté seul à la poupe, il regardait la mer, là où l’îlot avait disparu, et il songeait aux bons vieillards. Il se rappelait leur joie d’avoir appris la prière, et il remerciait Dieu de l’avoir choisi pour porter sa lumière à ces augustes vieillards.

Ainsi songeait l’archevêque, les yeux fixés sur la mer, là où l’îlot avait disparu. Ses yeux se troublent : tantôt là, tantôt là-bas, la lumière paraît sur les ondes. Est-ce une mouette ou une voile blanche ? Il regarde plus fixement, et pense : « C’est une barque, une barque à voile qui nous suit. Mais comme elle glisse rapidement ! Tout à l’heure elle était loin, très loin, et la voici déjà tout près. Et c’est une barque étrange. La voile n’a pas l’air… d’une voile… Cependant quelque chose nous poursuit, nous rattrape… » Mais l’archevêque ne peut distinguer cette chose : « Est-ce une barque, un oiseau, un poisson ? On dirait un homme, mais c’est trop grand pour un homme, et puis un homme ne saurait marcher sur la mer. »