Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/459

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regardant ses lèvres et répétant ce qu’il disait. L’archevêque passa ainsi toute la journée, jusqu’au soir, à répéter avec eux jusqu’à dix, vingt et cent fois le même mot, que les vieillards redisaient après lui. Ils s’embrouillaient, il les reprenait, et les faisait recommencer.

L’archevêque ne quitta point les vieillards avant qu’il ne leur eût appris la prière divine. Ils la firent avec lui, puis seuls. Le vieillard du milieu l’ayant apprise avant les deux autres, la répéta seul. Alors l’archevêque la lui fit redire plusieurs fois seul ; et les deux autres répétaient après lui.

Déjà la nuit tombait et la lune surgissait de la mer quand l’archevêque se leva pour partir. Il dit adieu aux vieillards qui le saluèrent jusqu’à terre. Il les releva, embrassa chacun d’eux, leur dit de prier comme il leur avait appris, et s’assit sur le petit banc du canot qui vogua vers le navire.

Tandis que le canot s’éloignait vers le navire, il entendait toujours les trois vieillards qui récitaient à haute voix la prière de Dieu. Le canot fut bientôt près du navire. On n’entendait plus les voix des vieillards, mais on les apercevait tous les trois sur la rive, à la clarté de la lune. Le tout petit vieux était au milieu, le grand à sa droite, l’autre à sa gauche.

On atteignit le navire. L’archevêque monta sur le pont. On leva l’ancre, on largua les voiles, que le vent gonfla, et le navire poursuivit son voyage.