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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/99

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reconnaître que 2 et 2 font 4. J’aimai les hommes bons ; je me détestai. Je reconnus la vérité. Dès lors tout devint clair pour moi.

Qu’arriverait-il, si un bourreau qui passe sa vie à martyriser, à couper les têtes, si un ivrogne invétéré, ou un fou enfermé pour toute sa vie dans une cellule obscure qu’il a souillée de ses ordures, et d’où il pense sortir, se demandaient ce que c’est que la vie ?

Évidemment, ils ne pourraient se faire d’autre réponse que celle-ci : « La vie est un très grand mal ». Et cette réponse du fou serait parfaitement juste, mais uniquement pour lui. Suis-je un fou semblable ? Nous tous, hommes riches et oisifs, sommes-nous des fous aussi ? Et je compris qu’effectivement nous sommes des fous pareils ; moi, sûrement, j’étais un fou.

L’oiseau est organisé de telle façon qu’il doit voler, amasser sa nourriture, construire son nid ; et lorsque je le vois accomplir ces différents actes, je me réjouis avec lui. La chèvre, le lièvre, le loup existent pour se nourrir, se reproduire, élever leur famille ; et quand ils font cela, je suis sûr qu’ils sont heureux et que leur vie est raisonnable. Que doit donc faire l’homme ? De même, il doit se soucier de sa vie comme les animaux, avec cette différence qu’il périra s’il ne pense qu’à lui seul. Il doit se soucier non seulement de soi mais de tous. Et quand il le fait, j’ai la conviction qu’il est heureux