Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/139

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extraordinairement pur et clair. Chaque feuille, chaque herbe semblait vivre de sa vie à elle, pleine et heureuse. Près de la route, je remarquai un sentier noir qui serpentait parmi les seigles vert foncé ayant déjà un quart de leur hauteur, et ce sentier évoqua avec une vivacité extraordinaire notre campagne ; et ces souvenirs de la campagne, par une étrange association d’idées, me rappelèrent vivement Sonitchka et le fait que j’en étais amoureux.

Malgré toute mon amitié pour Dmitri et le plaisir que me causait sa franchise, je ne voulais plus rien savoir de ses sentiments et de ses intentions envers Lubov Sergueievna, mais je voulais fermement lui faire part de mon amour pour Sonitchka, qui me semblait un amour de beaucoup supérieur. Mais je ne sais pourquoi je ne me décidai pas à lui dire tout franchement mes projets : comme ce sera bien quand, époux de Sonitchka, je vivrai à la campagne, quand j’aurai des petits enfants qui se rouleront sur le parquet et m’appelleront papa, et comme je serai heureux quand lui et sa femme Lubov Sergueievna viendront chez moi, en costume de voyage… Mais au lieu de tout cela, je dis en montrant le soleil couchant : « Dmitri, regarde comme c’est beau ! »

Dmitri ne dit rien, mais fut évidemment content de ce qu’en réponse à son aveu, qui sans doute lui avait coûté beaucoup, j’attirais son attention sur la nature, envers laquelle il était en général très