Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/140

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froid. La nature agissait sur lui tout autrement que sur moi. Elle agissait sur lui moins par la beauté que par la curiosité, et il l’aimait plus par l’esprit que par le cœur.

— Je suis très heureux — lui dis-je ensuite, sans prendre garde qu’il était plongé dans ses pensées et indifférent à tout ce que je pouvais lui dire ; — tu te rappelles que je t’ai parlé d’une demoiselle dont j’étais amoureux quand j’étais enfant ; je l’ai vue aujourd’hui, — continuai-je, — et maintenant, je suis absolument amoureux d’elle…

Et, malgré l’expression indifférente qui persistait sur son visage, je lui racontai mon amour, et tous mes plans de futur bonheur conjugal. Et, chose étrange, tandis que je lui racontais en détail la force de mon sentiment, je sentis en ce moment même qu’il commençait à diminuer.

La pluie nous attrapa comme nous tournions l’allée de bouleaux qui conduisait à la maison. Mais nous ne fûmes pas mouillés. Je savais qu’il pleuvait parce que quelques gouttes me tombaient sur le nez et sur les mains et parce qu’on entendait un bruit sur les jeunes feuilles pliées des bouleaux, qui en baissant leurs branches chevelues semblaient recevoir ces gouttes pures, transparentes avec des délices qui s’exprimaient par cette odeur forte dont l’allée s’emplissait. Nous descendîmes de voiture pour courir plus vite à la maison à travers le jardin. À l’entrée même de la maison