Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/168

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semblait qu’il n’y avait rien de plus honteux qu’un compliment banal, je m’imaginais qu’il n’y avait rien de plus charmant et de plus original qu’une certaine franchise impolie.

Cependant, ravi de ma réponse, j’allai quand même me promener avec toute la société. L’endroit préféré de la princesse était tout à fait en bas, au fond du jardin, sur un petit pont jeté au-dessus d’une mare étroite ; la vue y était très bornée, mais en même temps très poétique et gracieuse. Nous sommes si habitués à mélanger l’art et la nature que très souvent les aspects de la nature que nous n’avons jamais vus en peinture nous semblent extraordinaires, comme si la nature n’était pas naturelle ; et au contraire les aspects qui se retrouvent très souvent dans la peinture nous semblent banals et quelques-uns, trop pénétrés de la même pensée et du même sentiment que nous rencontrons dans la réalité, nous semblent artificiels. L’aspect de l’endroit préféré de la princesse était de ce genre. Il était composé du petit étang entouré de verdure ; immédiatement derrière lui, d’une colline à pic couverte de grands vieux arbres et de buissons qui mélangeaient leurs verts différents ; du vieux bouleau penché au dessus de l’étang et qui était fixé au pied de la colline par de grosses racines plongeant en partie dans son fond humide, de la cime il s’appuyait sur les hauts et élégants tilleuls, et penchait ses