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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/190

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une telle ignorance des choses les plus simples, les plus ordinaires, par exemple de ce que c’est que l’argent, de ce qu’on enseigne à l’Université, de ce que c’est que la guerre, etc., et une telle indifférence de savoir toutes ces choses, que ces tentatives confirmaient encore la mauvaise opinion que j’avais d’elles.

Je me rappelle qu’un soir, Lubotchka répétait au piano pour la centième fois un passage qui m’agaçait horriblement, Volodia était au salon, couché sur le divan, et, de temps en temps, sans s’adresser à personne en particulier, disait avec une ironie méchante : « Ah ! elle tape !… musicienne !… Bithoven ! (Il prononçait ce nom avec une ironie particulière), — Bravo… Allons, encore une fois… C’est cela, etc. » — Katenka et moi étions devant la table à thé et je ne sais plus comment elle entama la conversation sur son thème favori — l’amour. J’étais d’humeur à philosopher, et je me mis à définir l’amour d’une façon élevée, comme le désir de trouver dans un autre ce qu’on n’a pas soi-même, etc. Mais Katenka me répondit qu’au contraire, ce n’est déjà plus l’amour si une fille désire épouser un homme riche, et que, pour elle, la fortune est la chose la plus insignifiante, et que le véritable amour c’est seulement celui qui peut supporter la séparation (je compris qu’elle faisait allusion à son amour pour Doubkov). Volodia, qui probablement entendit notre conversation, se souleva