Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/22

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paysages environnants, ou je jouerai d’un instrument quelconque (décidément, j’apprendrai la flûte). Puis, elle viendra aussi se promener sur la Montagne des Moineaux, et un jour elle s’approchera de moi et me demandera qui je suis. Je la regarderai ainsi, tristement, et je dirai que je suis le fils d’un prêtre et que je ne me sens heureux qu’ici, et seul, tout à fait seul. Elle me tendra la main, dira quelque chose et s’asseoira près de moi. Et nous irons là chaque jour, et nous serons amis, et je l’embrasserai… Non, ce n’est pas bien. Au contraire, à partir d’aujourd’hui, je ne regarderai plus les femmes, je n’irai jamais, jamais, dans la chambre des servantes, même je tâcherai de ne pas passer devant, et dans trois ans, je sortirai de tutelle et je me marierai, il le faut absolument. Je ferai le plus d’exercices possibles, chaque jour de la gymnastique, si bien qu’à vingt-cinq ans, je serai plus fort que Rappo. Le premier jour, je tiendrai un demi-poud[1] à bras tendu et pendant cinq minutes ; le jour suivant, vingt-et-une livres[2], le troisième jour vingt-deux et ainsi de suite, jusqu’à ce que je porte quatre pouds dans chaque main ; je serai plus fort que tous les domestiques, et s’il prenait fantaisie à quelqu’un de m’offenser ou de parler mal d’elle, je le prendrais comme cela, simplement par la poitrine, d’une main, je le soulèverais

  1. Le poud vaut 16 kil. 4.
  2. La livre russe vaut o kil 45.