Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/264

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conscience tranquille d’être un habitué de la maison, je m’éloignais au dernier plan, je gardais le silence et écoutais seulement ce que disaient les autres. Et ce qu’ils disaient me semblait si bête, qu’intérieurement je m’étonnais que des personnes si intelligentes et si sensées que la princesse et toute sa famille, pussent entendre de telles bêtises et y répondre. Si, alors, il m’était venu en tête de comparer à ce que disaient les hôtes, ce que je disais moi-même, quand j’étais seul, je n’aurais eu sans doute aucune surprise. J’eusse été encore moins étonné, si j’avais songé à ce que disaient nos familiers — Avdotia Vassilievna, Lubotchka et Katenka — qui n’étaient nullement inférieurs à la moyenne, lorsqu’ils causaient des soirées entières avec Doubkov en souriant gaiement ; quand, presque chaque fois, Doubkov, s’appuyant à quelque chose, déclamait avec sentimentalité les vers :


Au banquet de la vie, infortuné convive…


ou des extraits du Démon, et en général avec quel plaisir ils disaient des choses stupides pendant des heures consécutives.

Bien entendu, quand il y avait des invités, Varenka faisait moins attention à moi que quand nous étions seuls, et alors il n’y avait ni la lecture, ni la musique que j’aimais beaucoup entendre. En causant avec les invités, elle perdait pour moi son