Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/311

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billets de banque dans la poche de son pardessus léger, sortit de sa grande maison de campagne, à colonnades et à terrasse, dans laquelle il occupait en bas une seule petite chambre, et par les allées non ratissées et herbeuses de son vieux jardin anglais, il se dirigea vers le village, disposé des deux côtés de la grand’route. Nekhludov était un jeune homme de haute taille, élégant, aux longs cheveux bouclés, épais et blonds, aux yeux noirs, au regard clair, brillant, aux joues fraîches et aux lèvres rouges au-dessus desquelles se montrait le premier duvet de la jeunesse. Dans toute son allure, dans ses mouvements, on pouvait constater la force, l’énergie et l’expression satisfaite de la jeunesse. Une foule bigarrée de paysans revenaient de l’église : des vieillards, des jeunes filles, des enfants, des femmes, leurs nourrissons au bras, en habits de fête se dispersaient dans leurs izbas, saluant très profondément le seigneur et lui cédant le pas. En entrant dans la rue, Nekhludov s’arrêta, tira son carnet de sa poche et sur la dernière page couverte d’une écriture enfantine, il lut quelques noms de paysans qui y étaient marqués. Ivan Tchourisenok — a demandé des étais, lut-il, et, en entrant dans la rue, il s’approcha de la porte de la deuxième izba de droite.

La demeure de Tchourisenok était ainsi : des murs faits de troncs à demi-pourris, tout penchés aux coins, étaient d’un côté tout à fait enfoncés dans