Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/346

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de lui, non par devant, mais par derrière.

Le jeune maître était évidemment las de ce spectacle, ou peut-être voulait-il montrer son adresse :

— Donne le licou, — dit-il.

— Permettez, comment donc, Vot’ xcellence ; ne vous inquiétez pas…

Mais Nekhludov s’approcha en face du cheval, le saisit par les oreilles et le courba vers la terre avec une telle force que la bête, qui était visiblement un cheval de labour très doux, agita la tête et renifla en tâchant de se dégager. Quand Nekhludov vit qu’il était tout à fait inutile d’employer la force et qu’il remarqua qu’Ukhvanka ne cessait de sourire, il lui vint à l’esprit la pensée, la plus blessante à son âge, qu’Ukhvanka se moquait de lui et le considérait comme un enfant. Il rougit, lâcha les oreilles du cheval, et, sans s’aider du licou, ouvrant la bouche de la bête, il regarda ses dents : les crochets étaient intacts, les couronnes pleines ; le jeune maître savait déjà tout cela, et il vit que le cheval était jeune.

Ukhvanka, pendant ce temps, s’approchait de l’auvent, et, voyant qu’une herse n’était pas à sa place, il la souleva et l’appuya contre la haie.

— Viens ici, — cria le maître avec une expression d’enfant qui a grand dépit, et presque avec des larmes de colère dans la voix : — Quoi ! Ce cheval est vieux ?