Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/358

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pouvait ouvrir entièrement les yeux et rester debout sans chanceler et bâiller.

— Comment n’as-tu pas honte de dormir en plein jour quand tu devrais construire une cour, quand tu n’as pas de pain ? — fit Nekhludov.

Aussitôt que Davidka, secouant le sommeil, eut conscience de la présence du maître, il joignit les mains sur son ventre, baissa la tête en l’inclinant un peu de côté et ne broncha plus. Il se taisait et l’expression de son visage comme l’attitude de son corps semblait dire : — « Je sais, je sais, ce n’est pas la première fois que j’entends cela. Eh bien ! Frappez-moi s’il le faut, je le supporterai. » Il semblait désirer que le maître cessât de parler et le frappât au plus vite, et même qu’il frappât beaucoup ses joues bouffies, mais qu’il le laissât tranquille le plus tôt possible. En remarquant que Davidka ne le comprenait pas, Nekhludov, par diverses questions, essaya de faire sortir le paysan de son silence de patient docile.

— Pourquoi m’as-tu demandé du bois ? Il est chez toi depuis un mois entier, et je le trouve ainsi à l’époque où l’on a le plus de temps libre ?…

Davidka se tut obstinément et ne bougea pas.

— Eh bien ! Réponds donc !

Davidka mugit quelque chose et agita ses cils blancs.

— Il faut travailler, mon frère. Sans le travail,