Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/402

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dit une vieille femme grande, maigre, ridée, qui entrait à ce moment, en bonnet, avec un grand châle et une robe de coton.

Nekhludov se tourna vers elle ; elle se tut un instant comme pour l’interroger.

— Non, je ne veux pas, nounou, — fit-il, et de nouveau il redevint pensif.

La vieille bonne hocha sévèrement la tête et soupira.

— Eh ! mon petit père Dmitri Nikolaievitch, pourquoi vous ennuyez-vous ? Il arrive des malheurs plus grands et ça passe. Tout s’arrangera, je te le jure.

— Mais je ne m’ennuie pas, où as-tu pris cela, petite mère Malania Finoguenovna ? — répondit Nekhludov en s’efforçant de sourire.

— Est-ce que je ne vois pas ? — commença la vieille bonne avec chaleur, — toute la journée seul, seul. Et vous prenez tout tellement à cœur, vous voulez tout savoir vous-même ; vous ne mangez presque plus ! Est-ce raisonnable ? Allez au moins en ville ou chez les voisins, autrement qu’est-ce que c’est ? Vous êtes encore jeune, il ne faut pas s’apitoyer sur tout ! Excuse-moi, mon petit père, je m’asseoirai, — continua la vieille en s’asseyant près de la porte. — Tu as déjà donné tant de libertés aux paysans, que personne ne craint plus rien ; est-ce ainsi que font les maîtres ? Il n’y a rien de bon ici, tu te perds toi-même et le peuple