Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/405

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en sueur et la belle, la forte figure d’Iluchka aux boucles claires, aux yeux bleus, gais et brillants, aux joues fraîches et dont un duvet clair commence à couvrir les lèvres et le menton. Il se rappelle comment Iluchka avait peur qu’on ne le laissât pas voiturier, et comme il défendait chaleureusement ce métier si cher pour lui. Et il voit un matin gris de brouillard, la chaussée humide et glissante, et une longue file de chariots chargés et couverts d’une natte avec de gros caractères noirs. Les chevaux bien nourris, aux jambes fortes, en faisant tinter leurs grelots, le dos courbé, tendent les traits avec efforts et montent une côte. À la rencontre de la file des chariots, de la pente, au galop, descend la poste, dont les grelots tintinnabulants résonnent dans la forêt qui des deux côtés borde la route.

— Ah ! oh ! — crie bien haut le postillon qui porte une plaque à son chapeau, en levant le fouet au-dessus de sa tête.

Près de la roue du premier chariot monte lourdement, en de grosses bottes, Karp, la barbe rousse et le regard sombre ; du deuxième chariot se montre la jolie tête d’Iluchka, qui s’est bien réchauffé sous la natte. Les trois troïkas chargées de caisses, avec un bruit de grelots sont passées à la rencontre de la poste. Iluchka cache de nouveau sa jolie tête sous les nattes et s’endort. Voici qu’arrive la soirée chaude et claire, devant les attelages fati-