Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/53

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sur le livre, mes jambes commencent à se mouvoir, je me mets à marcher de long en large, et dans ma tête, on dirait que quelqu’un pousse un ressort qui met la machine en mouvement ; et ma tête même est si légère, et diverses idées joyeuses, colorées, se mettent si naturellement à courir avec rapidité, qu’on ne distingue que leur couleur claire. Et une heure ou deux se passent sans que je m’en aperçoive. Ou bien, je suis assis devant un livre, je concentre toute mon attention sur ce que je lis… Subitement, dans le corridor j’entends un pas de femme, le bruit d’une robe, et tout fuit de ma tête ; il ne m’est plus possible de rester en place, bien que je sache que personne outre Gacha, la vieille servante de grand’mère, ne peut passer dans le corridor : « Ah ! si c’était elle ! » — me vient-il en tête « Eh bien ! Et si c’est le commencement et que je le laisse échapper ? » Je vole dans le corridor et je vois que c’est bien Gacha ; de longtemps je ne puis me ressaisir. Le bouton est poussé, et de nouveau c’est un terrible gâchis. Ou bien le soir, assis seul dans ma chambre, avec une chandelle, tout à coup, pour une seconde, pour moucher la chandelle ou pour me mettre à l’aise sur ma chaise, je me détache du livre, et je vois que partout, dans la porte, dans les coins, il fait sombre, et je m’aperçois que toute la maison est silencieuse. Derechef, il m’est impossible de ne pas