Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/72

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me répondait « non. » Enfin il ferma le livre, et si brusquement qu’il se prit le doigt entre les pages ; avec colère il le retira, me donna un billet de grammaire, et en se balançant dans son fauteuil, se tut de la façon la plus terrible. J’allais répondre, mais l’expression de son visage me cloua la bouche, et il me sembla que tout ce que je dirais serait mal.

— Pas ça, pas ça, pas du tout ça — fit-il tout à coup, de sa mauvaise prononciation ; — il changea rapidement de pose, et appuyé sur la table, joua avec la bague d’or qui glissait facilement du doigt maigre de sa main gauche. — Ce n’est pas possible, messieurs, de se préparer ainsi à l’école supérieure : vous ne tenez qu’à avoir l’uniforme à col bleu ; vous n’apprenez rien à fond et vous pensez que vous pouvez être étudiants. Non, messieurs, il faut étudier les sciences à fond… etc., etc.

Pendant qu’il prononçait ce discours en mauvais russe, je regardais attentivement ses yeux baissés. D’abord je ressentis le désenchantement de n’être pas troisième, puis la peur d’être refusé à l’examen, et enfin à cela s’ajoutait la conscience de l’injustice, un sentiment d’amour-propre blessé, d’humiliation imméritée, en outre du mépris envers le professeur, qui, selon ma conception, n’appartenait pas à la catégorie des hommes comme il faut, — car je venais de m’apercevoir que ses ongles étaient courts, épais et ronds. En jetant un regard