Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/77

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la campagne. Sans doute il était content de mon admission, mais il lui déplaisait un peu que je fusse maintenant aussi grand que lui. Saint-Jérôme, qui vint aussi, déclara avec beaucoup d’emphase que son devoir était fini, qu’il ne savait s’il l’avait accompli bien ou mal, mais qu’il avait fait tout son possible, et que demain il irait chez son Comte.

En réponse à tout ce qu’on me disait, je sentais, malgré ma volonté, que sur mon visage s’épanouissait un sourire doux, heureux, un peu bébête, qui, je le remarquai, se communiquait même à tous ceux qui me parlaient.

… Et voilà, je n’ai plus de gouverneur, j’ai ma drojki, mon nom figure sur le registre des étudiants, j’ai une épée à baudrier, parfois les sergents de ville pourront me rendre les honneurs… Je suis grand, il me semble que je suis heureux…

Nous décidâmes de dîner chez Iar, à cinq heures ; mais comme Volodia partait chez Doubkov, et que Dmitri, comme à son habitude, disparaissait quelque part, prétextant quelque chose à faire avant le dîner, j’avais donc deux heures à employer à ma guise. Assez longtemps, je marchai à travers la chambre et me regardai dans le miroir, tantôt avec l’uniforme boutonné, tantôt tout à fait déboutonné, tantôt avec le seul bouton d’en haut boutonné, et tout me paraissait superbe ; ensuite, malgré une certaine honte de montrer une