Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol2.djvu/79

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plus vite, je pris une tête de femme à la gouache, qui était à l’élalage et pour laquelle je payai vingt roubles. Ayant payé vingt roubles, je trouvai honteux d’avoir dérangé pour une pareille bagatelle des employés si bien habillés, et en outre je crus m’apercevoir qu’ils me regardaient avec une sorte de négligence. Désirant leur faire sentir qui j’étais, j’examinai un petit objet d’argent placé dans une vitrine ; on me dit que c’était un porte-crayon, du prix de dix-huit roubles. Je me le fis envelopper. Je payai, et ayant appris que l’on pouvait trouver de bonnes pipes et du tabac dans le magasin de tabac d’à côté, je saluai poliment les deux employés, et sortis dans la rue avec le tableau sous mon bras. Dans le magasin d’à côté, à l’enseigne d’un nègre fumant un cigare, j’achetai, afin de n’imiter personne, non le tabac Joukov, mais le tabac Sultan, une pipe de Stamboul et des tuyaux de pipe de tilleul et de rosier. En sortant du magasin, près de ma drojki, j’aperçus Sémenov, qui, en civil, la tête baissée, marchait à grands pas sur le trottoir. J’étais vexé qu’il ne me reconnût pas ; je prononçai assez haut : « Approche » et en m’installant dans la drojki je rattrapai Sémenov.

— Bonjour, — lui dis-je.

— Salut, — répondit-il, en continuant à marcher.

— Pourquoi n’êtes-vous pas en uniforme ? demandai-je.