Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/183

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De sorte que leur histoire, loin d’éclairer cette question, l’obscurcit. S’il faut discuter cette question de liberté et l’expliquer, ne vaudrait-il pas mieux, dans ce cas, la discuter et l’expliquer en soi et non dans les créatures fantaisistes du diable et d’Adam que je ne puis même me représenter ?

Après les prétendus démentis de ceux qui disent que le mal provient de ce que notre nature est bornée, à cause de la chair, de la mauvaise éducation, l’auteur dit :

La solution la plus raisonnable de ces différentes questions, l’explication la plus juste du mal qui existe dans la nature humaine, c’est celle que nous offre la Révélation divine lorsqu’elle nous dit : « Le premier homme fut en effet créé innocent et droit ; mais il pécha devant Dieu et pervertit par ce fait tout son être. En conséquence de cela, tous les hommes issus de lui naissent naturellement avec la tache originelle, une nature corrompue et le penchant au mal » (p. 615).

Ce raisonnement renferme beaucoup d’erreurs avec leurs conséquences.

L’erreur première est celle-ci : Si le premier homme, qui était dans des conditions exceptionnellement avantageuses pour garder son innocence a nui à sa nature, uniquement parce qu’il était libre, alors, il ne faut plus m’expliquer pourquoi moi, je nuis à ma nature. Cette question ne peut même pas être posée. Que je sois ou non son descendant, je suis un homme comme lui, j’ai la même liberté, et même des tentations plus