Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/184

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grandes. Alors que me faut-il expliquer ? Dire que mon penchant au mal est l’héritage d’Adam, ce n’est que déplacer la responsabilité, et juger ce que je connais par l’expérience intérieure, au moyen de traditions quelconques, au moins étranges.

L’autre erreur, c’est d’affirmer que l’inclination vers le péché vient d’Adam. En effet, c’est transporter la question du domaine de la foi dans celui du raisonnement. Il y a là un étrange quiproquo : l’Église, qui nous révèle les vérités de la religion, s’écartant de la base de la foi, précisément de cette conscience de la lutte mystérieuse et incompréhensible qui se passe en l’âme de chaque homme. Au lieu de donner, par la révélation des vérités divines, les moyens de vaincre dans la lutte du bien contre le mal, qui se livre en l’âme de chaque homme, l’Église se place sur le terrain du raisonnement et de l’histoire. Elle déserte le terrain de la foi et raconte l’histoire de l’Éden, d’Adam et de la pomme, et s’en tient obstinément à la tradition, qui même n’explique rien et ne donne rien à ceux qui cherchent la connaissance de la foi. Le résultat de cette transposition de la question de la base principale de toute foi — l’aspiration à la connaissance du bien et du mal, qui est en l’âme de chaque homme, — dans le domaine fantaisiste de l’histoire, c’est avant tout de priver toute la doctrine de la seule base sur laquelle elle puisse se tenir ferme.