Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/337

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leur part ? D’après cette définition, il semblerait que la grâce est toute la vie, parce que tout nous est donné par Dieu sans que nous l’ayons mérité, et que, par conséquent, le rapport de l’homme envers la grâce est le même que celui de l’homme envers la vie. Et cela est ainsi. Mais, comme la théologie comprend le rapport de l’homme envers la vie de la façon la plus grossière et la plus immorale, tous les raisonnements sur la grâce se résument à obtenir la conception la plus monstrueuse et la plus vulgaire du sens de la vie.

On prend d’abord la légende de la création de l’homme dans laquelle la sainte Écriture exprime en la personne d’Adam le rapport de la liberté de l’homme envers la grâce, c’est-à-dire envers le monde extérieur. Toute cette légende est comprise par la théologie d’un seul côté historique : Adam a péché et tout le genre humain a péri ; et avant Christ le rapport de la liberté humaine envers la grâce, c’est-à-dire envers la vie, n’existait pas. Il n’y avait aucune vie. Tout ce que les hommes faisaient était mal. Christ est venu et a racheté le genre humain. Alors, pour s’en tenir strictement à la doctrine de la théologie, de nouveau s’anéantit le rapport de la liberté de l’homme envers la grâce, envers le monde extérieur, car, selon la doctrine de l’Église, tous les hommes sont devenus des saints, et tout ce qu’ils font est bien. Dans le premier cas on n’admet que le mal ; dans le second,