Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol20.djvu/338

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que le bien. Mais, comme nous le savons, ni l’un ni l’autre n’ont jamais existé. Tout le sens de la doctrine de l’Ancien Testament et des Évangiles, et de toutes les doctrines religieuses, morales et philosophiques, n’est qu’à trouver la solution de la contradiction du bien et du mal qui luttent en l’homme. En affirmant qu’après la rédemption l’homme est devenu bon tout entier, la théologie sait que ce n’est pas vrai. Il n’est pas vrai que tous les hommes aient été méchants avant la rédemption, et que tous soient devenus bons après. La théologie voit que la question qui se pose à Adam : « Faut-il manger ou non la pomme ? » est semblable à celle qui se pose à nous : « Faut-il vivre ou non selon la doctrine du Christ ? » La question fut toujours la même devant les hommes, c’est pourquoi l’humanité dut inventer une doctrine où cette question serait remplacée par cette autre : « Que doit dire et confesser l’homme ? » Pour atteindre ce but, on inventa d’abord la doctrine de l’Église ; ensuite celle de la grâce. Mais comme nous le verrons plus loin, cette doctrine de la grâce est insuffisante ; on en inventa donc une nouvelle chargée d’obscurcir la question principale, religieuse et morale : Comment doivent vivre les hommes ?

Transmettre clairement cette doctrine sur la grâce, telle qu’elle est exposée, c’est impossible. Plus on l’examine, moins on la comprend. On lit