Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol21.djvu/128

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à avouer sa puissance et l’inéluctabilité de la vie charnelle ; c’est pourquoi elle dit : toutes tes espérances en Dieu, ta confiance en lui, tout cela, ce n’est que des mots ; tu n’as pas évité les souffrances de la chair, tu ne peux t’en affranchir. Tu fus et tu es le même fils de la chair comme tous les hommes ; et si tu es le fils de la chair, alors respecte-la et travaille pour elle. Moi je suis l’esprit de la chair, et il montre à Jésus le royaume du monde : Voici ce que je donne à ceux qui me servent. Respecte-moi, travaille pour moi, et cela t’appartiendra. Et Jésus répond de nouveau par le livre de Moïse (Deutéronome vi, 13) : « Tu craindras l’Éternel ton Dieu, et tu le serviras, et tu jureras par son nom. » Ces paroles du Deutéronome ne sont point accidentelles. Elles apprennent aux Israélites que quand ils recevront tous les biens de la chair, c’est alors qu’il leur faudra craindre d’oublier Dieu et qu’ils devront travailler pour lui seul.

La voix se tait, et la force de Dieu aide Jésus-Christ à supporter la tentation.

Tout ce qu’il fallait dire est dit. Les interprétations de l’Église servent à présenter ce passage comme la victoire de Jésus sur le diable. Aucune interprétation n’autorise à dire qu’il y eut victoire. Le diable est aussi victorieux que Jésus-Christ. Il n’y a victoire ni d’un côté ni de l’autre ; il n’y a que l’expression de deux principes opposés de la vie et tous deux : l’un, que nie Jésus-Christ,