Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol21.djvu/16

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Je voyais autour de moi des gens qui avaient cette foi ; elle leur révélait le sens de la vie, qui leur donnait la possibilité de vivre tranquillement et joyeusement et de mourir de même. Ma raison ne m’indiquait rien sur le sens de la vie. Je m’évertuais à arranger ma vie de la même façon que les croyants, je m’efforcais de me confondre avec eux, de faire tout ce qu’ils faisaient, de les imiter jusque dans le culte extérieur, pensant qu’ainsi me serait révélé le sens de la vie. Plus je me rapprochais du peuple, plus je vivais comme lui, accomplissant ses pratiques religieuses, plus fortement je sentais se produire en moi l’action de deux forces contradictoires. D’un côté, c’était la révélation de plus en plus claire du sens de la vie qui me satisfaisait et que la mort ne pouvait plus détruire. De l’autre côté, je voyais dans la pratique extérieure de la religion beaucoup de mensonges. Je comprenais que le peuple pouvait ne pas voir ce mensonge, parce qu’il ne sait pas lire, et qu’il n’a ni le temps ni le désir de réfléchir. Mais moi je ne pouvais pas ne point voir le mensonge, et l’ayant vu, fermer les yeux, comme me le conseillaient certaines personnes instruites et croyantes. Plus je continuais à vivre en remplissant les devoirs du croyant, plus ce mensonge me frappait et m’imposait la nécessité d’examiner où, dans cette doctrine, finit le mensonge, et où commence la vérité. Que la vérité même de la vie fût dans la doctrine chrétienne, je