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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol21.djvu/415

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senter devant Dieu pour lui demander la remise de la grande dette, qu’autant qu’il a déjà préalablement remis la petite à son frère. C’est là ce qu’exprime le texte tel qu’il a été rétabli par la critique, ainsi que celui de Luc, bien qu’il ne soit pas exactement le même. Le texte vulgaire paraît être dû à une certaine faiblesse du sentiment moral car il exprime plutôt une promesse qu’un fait accompli, il a de plus le grand inconvénient d’introduire l’idée d’une mesure proportionnelle, qui serait à la fois à notre désavantage, et contraire à la réalité.

Dans la sixième prière aussi l’usage a introduit des corrections arbitraires. On dit fréquemment en chaire : Ne nous laisse pas succomber à la tentation, parce qu’on se trouve choqué de l’idée d’attribuer la tentation à Dieu même (Jacq., i, 13). Mais cette difficulté n’est qu’apparente, un seul et même mot grec servant à désigner les épreuves auxquelles Dieu soumet les hommes, dans un but pédagogique et salutaire, et les sollicitations venant de la part des mauvais instincts, à la suite desquelles notre faiblesse nous fait commettre des péchés, l’assertion de Jacques, confirmée par une saine intelligence de la nature de Dieu, et la prière de Jésus, qui se fonde sur la connaissance de la nature humaine, sont également dans le vrai. Le chrétien, se méfiant de lui-même, peut demander comme une grâce que Dieu veuille lui épargner les épreuves, absolument comme Jésus l’a demandé lui-même à Gethsémané, mais, comme pour lui aussi, cette prière elle-même doit être un moyen d’affermissement de la volonté, une source de force et de courage, et partant un gage de la victoire, ce que Paul exprime très bien, i Cor., x, 13.

La dernière phrase qu’on a tort de compter comme une septième prière, et que Luc a pu omettre sans tronquer le texte, n’est à vrai dire que le complément de ce qui précède. En effet, si l’on traduit, comme nous l’avons fait, le Malin, au masculin, cela nous