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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol22.djvu/146

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est de rejeter la propriété, car on ne peut servir Dieu et Mammon, de même qu’on ne peut regarder d’un œil le ciel et de l’autre la terre. Tout cela a été dit tant de fois et de tant de façons, qu’il n’y a qu’à ne pas faire exprès de l’interpréter faussement, et la parabole devient si simple, si claire, qu’il n’est même plus besoin d’interprétation.

Voici comment raisonnent nos interprètes de l’Église[1].

Je vous dis, c’est évidemment adressé à tous les auditeurs sans exception, partisans ou non du Seigneur. Mais dans le cas présent, cette parole s’adresse surtout aux péagers, puisque la parabole est dite principalement pour eux, pour la correction et la véritable direction de leurs œuvres. Le Seigneur dit approximativement ceci : Vous autres péagers, sous certains rapports, vous pouvez profiter de l’exemple du gérant infidèle. Avec le bien de son maître il s’est acquis des amis qui le recevront sous leurs toits quand il perdra sa place. Et vous, si vous vous guidez en cette affaire par des buts lucratifs, si vous jouissez de mauvaise foi de ce que le Seigneur vous confie, alors tôt ou tard vous devrez rendre compte de vos malversations qui ne peuvent être ignorées de Celui qui est partout.

Pour ne pas rester sans toit dans le malheur, pendant que la richesse est entre vos mains, vous devez l’employer pour le profit de votre âme, à l’acquisition d’un toit éternel. Et voici le moyen d’y parvenir. Employez la richesse au profit de votre prochain, des pauvres, des miséreux. Le gérant congédié, par sa ruse bien qu’unie à la tromperie envers le maître, est arrivé à s’assurer dans le malheur des amis et un abri. Imitez cette ruse des fils de ce siècle (sans admettre

  1. Évangile selon saint Luc, p. 473, 474 et 475.