Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol22.djvu/322

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relative de la notion n’est pas déterminée par cette déclaration et nous allons en voir la preuve.

Tous les trois narrateurs ajoutent que Jésus interdit aux disciples de parler de cette conviction à d’autres personnes. Pourquoi cela ? Il n’y a qu’une seule réponse à donner à cette question : c’est que la notion qu’ils avaient du Christ n’était pas encore celle que Jésus voulait leur faire adopter et qu’il voulait faire prévaloir dans le monde. Leur éducation apostolique n’était pas terminée. Ils auraient répandu ou corroboré des erreurs en combinant, avec leur attachement à sa personne, les espérances populaires qu’ils partageaient.

Mais c’est affreux ! Jésus dit par tous les moyens d’expression qu’il est un homme comme tous les hommes mais qu’il propage la doctrine de l’esprit et de la filiation avec Dieu vivant, doctrine qui ne pouvait être exprimée autrement que par les paroles de Jésus. Il propage cette doctrine. Tous le comprennent à rebours. Ils comprennent qu’il s’est fait Dieu. Il se tue à dire : Je ne suis pas Dieu, vous tous êtes Dieu ; je suis un homme ; je fais mon salut par Dieu qui est en moi. Ce Dieu est en chacun ; c’est le Christ unique ; il n’y en aura pas d’autre. Mais personne ne veut le comprendre. Les uns crient : le fils de David, le reconnaissent comme Dieu et l’adorent. D’autres ne voient en lui qu’un homme et veulent le crucifier parce qu’il se dit Dieu. Enfin le disciple Simon-Pierre le comprend, et il explique aux autres disciples qu’il ne faut pas le considérer lui, Jésus, comme le Christ.