Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol22.djvu/329

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais oublions cela aussi, et admettons que Dieu n’ait pas songé que les hommes feraient ou raconteraient de pareils miracles. Admettons encore que c’est un miracle unique, qui ne se répéta jamais. Dieu pour prouver aux hommes sa véracité a ressuscité Lazare. Or, je suis un homme, pourquoi donc, après 1800 ans, a-t-on besoin de me prouver que Dieu, il y a dix-huit siècles, en présence d’une dizaine de personnes, ressuscita un homme ? Je serais heureux d’y croire si je le voyais, mais je ne l’ai pas vu. Pourquoi Dieu n’a-t-il pas ressuscité l’homme et ne l’a-t-il pas laissé vivre jusqu’à présent ? Pour Dieu cela ne serait rien. Ou pourquoi n’a-t-il fait croître un arbre les racines en l’air, ou créé une étoile allongée en baguette et immobile ? Dans ces cas, il n’y aurait plus aucun doute ; car enfin, moi je n’ai rien vu. Je vois que les spirites font juste de pareilles opérations, et cela sous nos yeux, et ils les décrivent dans des livres en citant leurs témoins. Pourquoi donc croirais-je l’un plutôt que l’autre ? De sorte qu’on ne peut s’arrêter à rien ; et le résultat c’est que Dieu a échoué, qu’il a voulu prouver sa véracité et ne l’a pas fait, et que, de plus, par cet emploi de mauvaises preuves, il a reconnu qu’il n’a pas de bonnes preuves, que la pièce n’est pas en or et qu’on me veut donner une pièce fausse.

Le point de vue de Reuss, prétendu scientifique,