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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/103

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Il s’est trouvé un homme qui a ajouté ces mots ; d’autres les ont approuvés et se sont chargés de les expliquer.

Christ ne pouvait pas dire et n’a pas dit cette terrible parole, et le premier sens de ce passage, le sens simple et direct, qui me frappe et frappe chacun, est le vrai.

Mais c’est peu. Aussitôt que j’eus compris que Christ défend la colère, quelle qu’elle soit et contre qui que ce soit, l’interdiction de dire à qui que ce soit le mot raca et fou, qui me dérangeait auparavant, prit un tout autre sens que celui d’interdire des paroles injurieuses. L’étrange mot hébreu raca, qui n’est pas traduit, me révéla ce sens. Raca veut dire foulé aux pieds, anéanti, inexistant ; le mot raca, très employé chez les Hébreux, exprime l’exclusion. Raca veut dire un homme qui ne compte plus comme homme. Au pluriel, le mot rekhim est employé dans le livre des Juges (ix, 4) dans le sens d’homme de rien. Et voilà, Christ défend de dire ce mot à qui que ce soit. Il défend également de dire le mot insensé qui, comme raca, nous dispense de toute obligation humaine envers notre prochain. Nous nous mettons en colère, nous faisons du mal aux hommes et, pour nous disculper, nous disons que celui qui a excité notre colère est le rebut des hommes, un insensé. Eh bien, ce sont précisément ces deux mots que Christ défend aux hommes de dire des hommes. Christ exhorte à ne se