Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/152

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affranchis de tout préjugé qui font cette objection contre la doctrine du Christ, d’être impossible à pratiquer. Ils ne croient à rien, ou se l’imaginent, et c’est pourquoi ils se considèrent comme bien au-dessus de la superstition des dogmes de la chute et de la rédemption. Moi aussi, naguère, je pensais de même. Il me semblait que tous ces savants avaient d’autres raisons pour nier la possibilité de pratiquer la doctrine de Christ. Mais en approfondissant le principe de leur négation, je pus me convaincre que les non croyants comme les croyants ont cette même fausse conception : que notre vie n’est pas ce qu’elle est, mais ce qu’ils se figurent qu’elle devrait être, et cette conception repose bien sur le même fondement que celle des croyants. Ceux qui se disent sceptiques ne croient ni à Dieu ni à Christ ni à Adam, mais ils ont cette conception fausse du droit de l’homme à une vie de béatitude, sur lequel tout est basé. Ils croient à cela, et plus encore que les théologiens.

La science privilégiée et la philosophie ont beau se donner comme les arbitres et les guides de l’esprit humain, elles n’en sont que les servantes. La représentation de la vie leur est toujours donnée, toute prête, par la religion, et la science ne fait que travailler dans la voie que celle-ci lui a tracée. La religion révèle aux hommes le sens de la vie, et la science l’applique aux différentes circonstances de la vie. C’est pourquoi, si la religion donne un