Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/233

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dans la situation des condamnés aux travaux forcés.

La troisième condition indubitable du bonheur, c’est la famille. Eh bien, plus les hommes sont esclaves du succès mondain, moins ce bonheur leur est accessible. La plupart — les libertins, renoncent volontairement aux joies de la famille dont ils n’ont que les soucis. S’ils ne sont pas des libertins, leurs enfants ne sont pas une joie pour eux mais un fardeau, et ils s’en privent volontairement, en s’efforçant par tous les moyens, parfois même les plus cruels, de rendre leur union inféconde, et s’ils ont des enfants, ils se privent de la joie d’être en communion avec eux. Pour se conformer à l’usage, ils doivent, la plupart du temps, les confier à des étrangers ; au début à des personnes d’une nationalité étrangère, puis à des établissements scolaires, si bien que, de la vie de famille, ils n’ont que les soucis des enfants. Ceux-ci, dès leur jeunesse, deviennent aussi malheureux que leurs parents et bientôt ils ne souhaitent plus qu’une chose : la mort de leurs parents pour en hériter[1].

  1. Le raisonnement des parents est assez curieux. « Je n’ai besoin de rien, dit le père ; cette existence m’est très pénible, mais je fais cela pour mes enfants, par amour pour eux. » Autrement dit : Je sais par expérience que notre existence est un malheur, par conséquent… j’élève mes enfants de façon qu’ils soient aussi malheureux que moi. Et pour cela, par amour pour eux, je les mène dans une ville malsaine au physique et au moral ; je les confie à des étrangers qui ne voient dans l’éducation qu’un métier lucratif ; je pousse mes enfants dans la corruption phy-