Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/251

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Un chrétien aura son existence également assurée chez les païens et chez les chrétiens. Il travaillera pour les autres, leur sera nécessaire, donc il sera nourri. Un chien même, s’il est utile, est nourri et soigné ; comment ne nourrirait-on pas et ne soignerait-on pas un homme qui est nécessaire aux autres ?

Mais un homme malade, ou chargé de famille, ne peut pas travailler pour les autres — on cessera donc de le nourrir, diront ceux qui veulent à toute force prouver la légitimité de la vie bestiale. Ils le diront, ils le disent, et ils ne voient pas qu’eux-mêmes agissent tout autrement. Ces mêmes gens, ces gens qui n’admettent pas que la doctrine du Christ soit praticable — la pratiquent. Ils continuent de nourrir un mouton, un bœuf, un chien malade. Même une vieille rosse, ils ne la tuent pas, mais lui donnent un travail mesuré à ses forces. Ils nourrissent des familles d’agneaux, de porcelets, de caniches, dans l’espoir d’en tirer parti ; comment ne nourriraient-ils pas un homme utile quand il tombe malade, comment ne trouveraient-ils pas un travail approprié aux forces d’un vieillard ou d’un enfant, comment ne se feraient-ils pas éleveurs d’hommes qui, plus tard, travailleront pour eux ?

Non seulement ils le feront, mais ils ne font que cela. Les neuf dixièmes des hommes — le bas peuple — sont nourris par un dixième de gens riches,