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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/312

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tâcher d’être plus affable envers un étranger qu’envers un compatriote.

Mais c’est peu de savoir maintenant que la différence que je fais entre mon peuple et les autres peuples est un mal qui détruit mon bien, je connais encore la tentation qui me faisait tomber dans ce mal, et je ne puis plus, comme je le faisais autrefois, m’abandonner sciemment et tranquillement à cette tentation. Je sais que cette tentation consiste dans l’erreur de croire que mon bien n’est solidaire qu’avec le bien de mon peuple et non pas avec le bien de tous les hommes. Je sais maintenant que mon union avec les autres hommes ne peut pas être rompue par la ligne d’une frontière ou par le décret d’un gouvernement qui décide que j’appartiens à tel ou tel peuple. Je sais maintenant que les hommes sont partout égaux et frères. Quand je me rappelle maintenant tout le mal que j’ai fait, que j’ai éprouvé, que j’ai vu autour de moi, à cause des animosités nationales, je vois clairement que la raison en était la grossière imposture appelée patriotisme et amour de la patrie. Quand je me rappelle mon éducation, je vois maintenant que les sentiments de haine pour les autres peuples, les sentiments qui m’éloignaient d’eux, n’existaient point en moi et avaient été greffés sur moi par une éducation insensée. Je comprends maintenant la signification des mots : faites le bien à vos ennemis, agissez avec eux