Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/317

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gnage, il ne peut le rendre que par des actes. Ces actes sont de renoncer à la guerre, de faire le bien aux hommes, sans distinction de ce qu’on appelle ennemis et compatriotes.

Mais voici non plus l’ennemi étranger, voici que des compatriotes attaquent la famille d’un chrétien, et, s’il ne se défend pas, ils le pillent, lui font violence, le massacrent, lui et tous les siens. Cela aussi n’est pas juste. Si tous les membres de la famille sont chrétiens — par conséquent si tous font consister leur vie à servir les autres — il ne se trouvera pas un homme assez fou pour venir enlever le nécessaire à des gens prêts à le servir, ou pour les tuer. Mikloukha-Maklay, raconte-t-on, s’établit au milieu des sauvages les plus sanguinaires, et non seulement il ne fut pas tué, mais les sauvages le prirent en affection précisément parce qu’il ne les craignait pas, n’exigeait rien d’eux, et leur faisait le bien. Supposons un chrétien qui vit au milieu d’une famille ou de familles non chrétiennes, qui ont coutume de défendre leurs personnes et leurs biens par la violence, et qui est sollicité à prendre part à la défense. Cette demande faite à un chrétien est précisément une invite à l’accomplissement de l’œuvre de sa vie. Un chrétien ne connaît la vérité que pour la montrer aux autres, et surtout à ses proches, à ceux auxquels il est uni par les liens de la famille ou de l’amitié, et un chrétien ne peut montrer autrement la vérité