Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/44

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Ce qui me frappa tout d’abord quand je compris le commandement de la non résistance dans son sens direct, c’est que les tribunaux non seulement ne sont pas d’accord avec ce commandement, mais lui sont absolument contraires ainsi qu’au sens général de toute la doctrine, et que si Christ avait eu à envisager les tribunaux, il avait dû les réprouver.

Christ dit : Ne résistez pas au méchant. Le but des tribunaux — résister au méchant. Christ prescrit de rendre le bien pour le mal. Les tribunaux rendent le mal pour le mal. Christ dit : Ne faites pas de distinction entre les bons et les méchants. Les tribunaux ne font pas autre chose. Christ dit : Pardonnez à tous. Pardonnez non pas une fois ou sept fois, mais pardonnez sans fin. Aimez vos ennemis ; faites le bien à ceux qui vous haïssent. Les tribunaux ne pardonnent pas, ils punissent ; ils ne rendent pas le bien mais le mal à ceux qu’ils estiment ennemis de la société. Ainsi, il ressortait de tout cela que Christ devait réprouver les institutions judiciaires. Mais, peut-être, me disais-je, Christ n’a-t-il pas eu affaire aux tribunaux humains et n’y a-t-il pas pensé. Mais je vois que cette hypothèse est inadmissible : Christ, dès sa naissance jusqu’à sa mort, a eu affaire aux tribunaux d’Hérode, du Sanhédrin et des grands-prêtres. Au surplus, je vois qu’en maints passages, Christ parle des tribunaux comme d’un mal. Il dit