Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol24.djvu/84

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céens qui figurent comme ennemis du Christ ; on mentionne les docteurs de la loi, ceux-là mêmes qui sont les gardiens de la loi de Moïse ; les scribes, ceux-là mêmes qui interprètent la loi ; les anciens, ceux-là mêmes qui toujours sont considérés comme les représentants de la sagesse d’un peuple.

Christ dit : Je ne suis pas venu exhorter les justes à l’expiation, au changement de leur vie, μετάνοια, mais les pécheurs. — Où donc étaient ces justes ? Nicodème était-il donc le seul ? Mais Nicodème aussi nous est représenté comme un homme bon mais dans l’erreur. Nous sommes tellement habitués à cette explication, plutôt étrange, que Christ fut crucifié par les pharisiens et quelques Juifs méchants, qu’il ne nous vient pas à l’esprit cette simple question : où donc étaient les non pharisiens et les Juifs non méchants, les vrais Juifs qui pratiquaient la loi ? Il suffit de poser cette question et tout devient parfaitement clair. Christ — qu’il soit Dieu ou homme — apporte sa doctrine dans le monde parmi un peuple qui possédait une loi réglant toute son existence et appelée loi de Dieu. Comment Christ pouvait-il ne pas réprouver cette loi ?

Chaque prophète — chaque fondateur de religion, qui vient révéler aux hommes la loi de Dieu, se trouve toujours en face d’une autre loi regardée comme la loi de Dieu, et le mot loi qu’il est forcé d’employer se trouve s’appliquer ainsi à