Aller au contenu

Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/114

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si l’on sait que le vieux, pendant tout le carême, n’a pas mangé de beurre, et que du bois coupé pourrit parce qu’il n’a pas un rouble vingt kopeks à payer pour avoir le droit de l’enlever. Mais la plaisanterie folle du vieux se trouvait être réalisée. Le garçon vint chez moi en pardessus noir très fin, dans des bottes qu’il avait payées huit roubles. Ces jours-ci, il avait demandé dix roubles à mon frère et les avait dépensés pour les bottes. Mes enfants, qui connaissent le garçon depuis l’enfance, m’ont dit qu’en effet il croit nécessaire d’avoir une montre. C’est un très bon garçon, mais il pense qu’on se moquera de lui s’il n’a pas de montre, et la montre lui est nécessaire. Cette année, la femme de chambre, une jeune fille de dix-huit ans, entra en liaison avec le cocher. On l’a mise à la porte. La vieille bonne à qui je parlais de cette malheureuse m’a rappelé une jeune fille que j’avais oubliée. C’était dix ans auparavant, pendant un court séjour à Moscou ; elle aussi entra en liaison avec un valet, elle fut mise à la porte, tomba dans une maison de prostitution et mourut à l’hôpital des syphilitiques. Elle n’avait pas vingt ans.

Il suffit de regarder autour de soi et l’on est terrifié de cette contagion, qu’en dehors des fabriques et des usines qui servent à notre luxe, nous portons spontanément par notre vie luxueuse, dans les villes parmi ces mêmes gens que nous voulons aider.