Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/119

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combien y en a-t-il à Pétersbourg et ailleurs !

Il sourit.

— Vingt mille ! Et combien y a-t-il de ménages en Russie ? Un million ?

— Eh bien, quoi ?

— Quoi ? — Ses yeux brillaient et s’animaient. — Eh bien, distribuons-les parmi nous. Je ne suis pas riche, mais j’en prends tout de suite deux. Voilà, tu as pris un garçon à la cuisine, je l’ai appelé chez moi, il n’a pas voulu venir. Qu’il y en ait dix fois plus, nous les prendrons tous. Tu en prendras, moi aussi. Nous irons travailler ensemble. Il verra comme je travaille, il apprendra comment vivre, nous nous mettrons à une table commune, et il entendra de toi et de moi, une bonne parole. Voilà la charité, mais votre œuvre, c’est de la balançoire.

Cette parole simple m’a frappé. Je ne pouvais point en méconnaître la justesse, mais malgré cela il me semblait alors que l’œuvre entreprise pouvait être utile. Mais plus je la poursuivais, plus je voyais de pauvres, plus je me remémorais cette parole, plus elle avait de sens pour moi.

En effet, je viendrai en riche pelisse, ou dans mon équipage, ou celui qui a besoin de souliers verra mon appartement que je loue deux mille roubles, ou même il verra que, sur le-champ, sans le moindre regret, je donne cinq roubles parce que tel est mon caprice. Il sait bien que si je donne ainsi