bonté, mais à ce que vous avez voulu passer pour un homme bon aux yeux des autres.
Et voilà, j’éprouvais une honte douloureuse avec de pareils hommes, devant lesquels il me fallait reculer, cesser de donner, et ainsi renoncer à la bonté.
Qu’était cette honte ? Cette honte je l’ai éprouvée à la maison de Liapine, et avant et après à la campagne, quand il me fallait distribuer de l’argent ou autre chose aux pauvres, et dans mes visites chez les pauvres de la ville.
Une occasion récente m’a rappelé vivement cette honte et m’a conduit à l’explication de la cause de la honte que j’éprouvais en donnant de l’argent aux pauvres.
C’était à la campagne. Il me fallait vingt kopeks pour donner à un chemineau. Je les envoyai chercher par mon fils. Il apporta vingt kopeks au chemineau et me dit qu’il les avait empruntés au cuisinier. Quelques jours après, des chemineaux passaient de nouveau ; j’avais besoin de vingt kopeks, mais je n’avais qu’un rouble. Je me suis rappelé que je devais de l’argent au cuisinier. J’allai à la cuisine, espérant y trouver de la petite monnaie. J’ai dit : « Je vous ai emprunté vingt kopeks, voici un rouble. » J’achevais à peine que le cuisinier appelait sa femme dans l’autre chambre : « Paracha, prends, » dit-il. Supposant qu’elle avait compris ce que je voulais, je lui donnai un rouble.