Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/216

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ne nous permet pas de labourer et sans laquelle nous mourrons de faim est possédée, au nom du droit de la force, par un homme que nous n’avons jamais vu et dont nous ne comprenons pas que nous ayons besoin. Mais les impôts pour le paiement desquels la police a saisi de force la vache de mes enfants iront, je le sais, à cette même administration de la police qui m’a pris ma vache, et aux divers membres des commissions et ministères que je ne connais pas et en l’utilité desquels je ne crois pas. Comment donc toutes ces violences peuvent-elles garantir ma liberté, et tout ce mal me donner le bien ?

On peut forcer un homme à être esclave, à faire tout ce qu’il juge mauvais pour lui, mais on ne peut l’obliger à penser qu’en subissant la violence il est libre, et que ce mal évident qu’il endure est un bien. Cela semble impossible, et c’est précisément ce qu’on fait maintenant avec l’aide de la science.

Ce qu’on appelle le gouvernement, ce sont des hommes armés qui emploient leurs armes pour commettre la violence et qui décrètent ce qu’il leur faut exiger de ceux qu’ils oppriment. Comme les Anglais à l’égard des Fidjiens, ils décident combien il leur faut de travail de leurs esclaves et d’aides pour effectuer ce travail : ils organisent leurs aides en corps d’armée, en receveurs d’impôts, en propriétaires fonciers. Et les esclaves leur donnent leur travail, et en même temps