Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/217

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croient qu’ils le donnent non parce que leurs maîtres le veulent, mais parce que les sacrifices sanglants payés à la divinité, appelée « l’État » sont nécessaires pour assurer leur liberté et leurs biens ; et ils se figurent que, moyennant ce tribut à la divinité, ils sont libres. Ils le croient parce qu’autrefois la religion — les pontifes — parlaient ainsi, et que maintenant la science — les savants — disent la même chose. Mais il n’y a qu’à cesser de croire aveuglément aux paroles des hommes qui s’intitulent pontifes ou savants pour que l’inanité d’une telle affirmation devienne évidente.

Les hommes qui oppriment les autres leur affirment que cette violence est nécessaire pour l’État ; que l’État est nécessaire pour la liberté et pour le bien de tous. Il en résulte que, dans la pensée générale, les hommes qui oppriment d’autres hommes font cela pour la liberté, c’est-à-dire qu’ils leur font le mal pour leur bien. Mais les hommes sont des êtres raisonnables et la raison leur est donnée précisément pour comprendre en quoi consiste leur bien et pour agir librement en vue de ce bien. Or, les actes dont la bonté est incompréhensible aux hommes et auxquels ils sont contraints par la force ne peuvent être pour eux le bien parce que l’être raisonnable ne peut considérer comme bien que ce qui paraît tel à sa raison. Si les hommes, par passion ou déraison, sont entraînés