Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/277

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Pour s’affranchir du travail propre et naturel à tous, le transporter sur le dos des autres et avec cela ne se pas considérer comme traître et voleur, deux suppositions seules sont possibles : la première est que nous, les gens qui ne prenons pas part au travail commun, nous sommes des êtres particuliers, distincts des ouvriers et que nous avons une destination particulière dans la société, de même que les mâles des abeilles ou leur reine ont une autre destination que les ouvrières ; la deuxième, que l’affaire que nous faisons, nous, les hommes affranchis de la lutte pour la vie, est si utile pour tous les hommes qu’elle rachète sûrement le tort que nous causons aux autres en aggravant leur situation.

Dans les temps anciens, les hommes qui profitaient du travail des autres, affirmaient : 1o qu’ils étaient d’une race particulière et 2o qu’ils étaient particulièrement chargés par Dieu de se soucier du bien des hommes, c’est-à-dire de les gouverner, de les instruire, c’est pourquoi ils affirmaient aux autres, et souvent croyaient eux-mêmes, que ce qu’ils faisaient était plus nécessaire et plus important pour le peuple que les travaux dont ils jouissaient.

Tant qu’il n’y avait pas de doute en l’intervention immédiate de la divinité dans les affaires humaines et en la diversité des races, cette explication était suffisante. Mais avec le christianisme et