joignit à la foule qui me suivait. Je sortis dans la rue ; des gens de diverses sortes m’y suivaient et me demandaient de l’argent. Je distribuai ce que j’avais de petite monnaie, et j’entrai dans la boutique, pour demander au marchand de me changer dix roubles. Alors, comme à la maison de Liapine, il se fit un tohu-bohu affreux. Les vieilles femmes, les gentilshommes, les paysans, les enfants, se serraient près de la boutique en tendant la main. Je donnai ; j’interrogeai quelques-uns sur leur vie ; j’inscrivais dans mon carnet. Le marchand, les coins du col de sa pelisse repliés en dedans, était assis comme pétrifié et de temps en temps, regardait la foule, ou la dépassait du regard. Lui, comme tous, sentait que c’était sot, mais ne pouvait pas le dire.
À la maison de Liapine, j’étais terrifié de la misère et de l’humiliation des gens et je m’en sentais coupable, je sentais le désir et la possibilité d’être meilleur. Maintenant, la scène identique me produisait une tout autre impression : j’éprouvais premièrement, un sentiment de malveillance pour beaucoup de ceux qui m’assiégeaient ; deuxièmement j’étais inquiet de l’opinion que pouvaient avoir de moi le boutiquier et le portier.
Ce jour-là, en arrivant chez moi, je me sentis mal. Je sentis que ce que je faisais était stupide et immoral, mais comme il arrive toujours par suite de l’embrouillamini intérieur, je parlai beaucoup de