Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol26.djvu/92

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suppliques. Toutes émanaient, si l’on peut dire ainsi, de riches pauvres. J’allai chez quelques-uns ; je laissai les autres sans réponse. Nulle part je n’ai réussi à rien faire. Toutes les suppliques m’étaient adressées par des personnes possédant jadis une situation privilégiée (j’appelle ainsi toute situation où les gens reçoivent plus qu’ils ne donnent) qu’ils avaient perdue et désiraient retrouver. Il fallait à l’un d’eux cents roubles pour relever le commerce qui tombait et terminer l’éducation des enfants. Un autre avait besoin d’une installation de photographe ; un troisième de payer ses dettes et d’avoir un habit convenable ; le quatrième avait besoin d’un piano pour se perfectionner et nourrir sa famille en donnant des leçons. Et la majorité, sans fixer la somme nécessaire, demandait tout simplement qu’on lui vienne en aide ; mais, quand il fallait préciser, il se trouvait que les besoins augmentaient en proportion du secours. Ils n’étaient pas et ne pouvaient être satisfaits. Je répète qu’il est très possible que le mal vînt de mon incapacité, mais je n’ai aidé personne, bien que je m’y fusse efforcé.

Quant au concours des bienfaiteurs, il s’est passé quelque chose d’étrange et d’inattendu pour moi. De toutes les personnes qui m’avaient promis l’aide pécuniaire et même avaient précisé le nombre de roubles, pas une ne me donna un seul rouble pour distribuer aux pauvres. D’après les