Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol28.djvu/27

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MATRIONA

Avec quoi donc, ma petite fraise ? Tu connais bien nos moyens ? Ce sont des paroles en l’air de mon vieux. Le marier, le marier ! ce n’est pas une affaire de sa capacité. Tu sais bien, les chevaux ne rechignent pas sur l’avoine. Quand on est bien, pourquoi chercher mieux ? C’est le cas. Est-ce que je ne vois pas où en sont les choses ?

ANICIA

Eh bien, tante Matriona, je n’ai pas à me cacher de toi. Tu sais tout. J’ai péché, j’aime ton fils.

MATRIONA

Ah ! la belle nouveauté ! Comme si la tante Matriona ne le savait pas ! Eh ! ma fille, c’est une rouée, une archi-rouée, la tante Matriona ! La tante Matriona, je te dirai, ma fraise, voit à un mètre sous terre. Je sais tout, ma fraise ! Je sais pourquoi les jeunes femmes ont besoin de poudres qui font dormir. Je les ai apportées. (Elle dénoue un coin de son fichu et en tire un paquet de poudres.) Ce qu’il faut, je le vois bien et ce qu’il ne faut pas, je ne veux pas le savoir, voilà ! La tante Matriona a été jeune, elle aussi ! C’est que, vois-tu, avec mon bêta, il fallait savoir s’arranger pour vivre. Je connais les soixante-dix-sept moyens ! Je vois, ma fraise, que ton vieux a un pied dans la tombe. De quoi est-il capable ? Fiche-lui un coup de fourche, il ne viendra pas seulement une goutte de sang. Au