Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/173

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de Nijneprototzk, sur le Terek, qui était de l’autre côte, en face de l’aoul pacifié. Il salua les Cosaques, mais ne trouvant pas le prétexte de faire le bien à quelqu’un, il entra dans l’izba. Dans la cabane aussi, nulle occasion ne se présentait. Les Cosaques l’accueillirent froidement. Il entra dans la cabane et alluma une cigarette. Les Cosaques firent peu attention à Olénine, premièrement parce qu’il fumait la cigarette, deuxièmement parce qu’ils avaient ce soir une tout autre distraction. Un émissaire des Tchetchenzes ennemis était venu des montagnes avec les parents de l’Abrek tué, pour racheter le corps. On attendait de la stanitza les chefs des Cosaques. Le frère de la victime, haut de taille, élégant, avec une barbe rouge, teinte, taillée, malgré un manteau et un bonnet des plus déchirés, était calme et majestueux comme un roi. Il ressemblait beaucoup à l’Abrek tué. Il ne daignait regarder personne, et ne jetait pas même les yeux sur le cadavre ; accroupi dans l’ombre, il crachait en fumant la pipe, et de temps en temps exclamait quelques sons impérieux, gutturaux, qu’écoutait avec respect son compagnon. Évidemment c’était un djiguite qui, plusieurs fois déjà, avait dû rencontrer les Russes dans des conditions tout à fait différentes, et c’est pourquoi, maintenant, non seulement rien ne l’étonnait, mais rien même ne l’occupait. Olénine s’approcha du cadavre et se mit à l’examiner, mais le frère jetant un