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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/235

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raient dans les roseaux lointains et dans les montagnes sises au delà du Terek. Des nuées de moucherons et de moustiques étaient au-dessus des plaines et des stanitza. Les sommets, couverts de neige, s’enveloppaient d’un brouillard gris. L’air était vif et infect. Les Abreks, dont on avait entendu parler, profitant de l’abaissement de l’eau, traversaient le fleuve et parcouraient les environs. Le soleil, chaque soir, se couchait dans une atmosphère rouge et chaude. C’était la saison des plus durs travaux. Toute la population des stanitza fourmillait dans les champs de melons d’eau et dans les vignes. Les jardins étaient tout enveloppés de plantes grimpantes et pénétrés d’une ombre fraîche, épaisse. Partout, à travers le large feuillage transparent noircissaient de lourdes grappes mûres. Par la route poussiéreuse qui menait aux jardins se traînaient les chariots grinçants, pleins jusqu’en haut de raisins noirs. Sur le sol étaient éparpillées des grappes écrasées par les roues. Les fillettes et les garçons en chemises salies par le jus des raisins, avec des grappes dans les mains et à la bouche couraient derrière leurs mères. Sur la route, se rencontraient sans cesse des ouvriers aux vêtements déchirés portant sur leurs fortes épaules des hottes de raisins. Les jeunes filles enveloppées jusqu’aux yeux dans leurs fichus, conduisaient des bœufs attelés à des charrettes surchargées de raisins. Les soldats qui rencontraient les charrettes