Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/279

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attiraient l’attention de tout le peuple qui était sur la place. Nazarka, maigre et petit, était beaucoup moins bien habillé que Loukachka. En passant devant les vieillards, Loukachka s’arrêta et souleva de dessus sa tête brune, rasée, un bonnet d’astrakan blanc bouclé.

— Quoi ! as-tu volé beaucoup de chevaux chez les Nogaï ? — fit un petit vieillard, maigre, avec un regard sombre.

— Eh ! les as-tu comptés, grand-père, pour t’inquiéter ainsi ? — demanda Loukachka en se tournant.

— Oui, mais ce n’est pas en vain que tu emmènes avec toi ce garçon ! — prononça le vieillard, devenu encore plus sombre.

— En voilà un diable, il sait tout — fit en souriant Loukachka ; et son visage prit une expression soucieuse. Mais, regardant à l’angle de la rue où étaient beaucoup de jeunes filles, il tourna son cheval dans leur direction.

— Bonjour, les filles ! — cria-t-il d’une voix forte, sonore, en arrêtant le cheval d’un coup. — Quoi ! vous avez vieilli sans moi, les sorcières ! — et il éclata de rire.

— Bonjour, Loukachka, bonjour, frère ! — prononçaient des voix gaies. — As-tu apporté beaucoup d’argent ? Va acheter des bonbons pour les filles ? Es-tu venu pour longtemps ? On ne t’a pas vu depuis longtemps.