Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol3.djvu/364

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avec la même expression indifférente. Il était nécessaire pour l’échange des prisonniers.

Je montai sur le toit et m’installai près du capitaine.

— Il me semble que les ennemis étaient peu nombreux — dis-je afin de savoir son opinion sur cette affaire.

— L’ennemi ! — répéta-t-il étonné. — Mais il n’y en avait pas du tout. Peut-on appeler ça des ennemis !… Ah ! le soir, vous verrez, quand nous commencerons à reculer, vous verrez comment ils nous accompagneront et en quel nombre ils paraîtront ! — ajouta-t-il en désignant avec sa pipe les bois que nous avions traversés le matin.

— Qu’y a-t-il là-bas ? — demandai-je anxieux en interrompant le capitaine et en lui montrant des Cosaques du Don qui, pas loin de nous, se rassemblaient autour de quelque chose.

De là-bas s’entendaient des cris ressemblant aux sanglots d’un enfant, et les paroles :

— Eh ! ne frappe pas !… Attends… On s’apercevra… As-tu un couteau ? Evstignéitch ! Donne ici un couteau.

— Ils se partagent quelque chose, les brigands ! fit tranquillement le capitaine.

Mais à ce moment, avec un visage effrayé et enflammé, tout à coup le joli sous-lieutenant sortit d’un coin, et, en agitant les mains, s’élança vers les Cosaques.